Un Laurentien au sommet du Monde
Par Journal Accès
La montagne de l’esprit
Dans la nuit de lundi à mardi (3 octobre), un Laurentien s’élançait dans les derniers mètres qui le séparent du sommet du mont Manaslu, le 8e plus haut sur la Terre. S’il y parvient, il sera le premier Québécois à fouler le sommet de cette montagne himalayenne.
Jointe en matinée ce lundi, la conjointe de Laurent Homier a senti son cœur s’emballer quand le téléphone a sonné. «J’ai crû un instant que c’était le Népal, annonce Geneviève Gobeil, fébrile. J’avoue que j’ai hâte à demain.» En effet, le résident de Sainte-Lucie-des-Laurentides s’apprête à gravir les dernières centaines de mètres qui le séparent du mont Manaslu, culminant à 8156 mètres d’altitude.
Faits d’armes
L’homme de 45 ans n’en est pas à sa première expérience en escalade de haute montagne. Par le passé, il a atteint l’Aconcagua (6962 m.), le plus haut sommet du continent américain, et plus récemment, il a effectué des marches d’endurance alpines tels le Pemiloop dans les White Mountains au New Hampshire, et l’ascension du Nevado Sajama (6542 m.), plus haut sommet de Bolivie. Et c’est sans compter l’aller-retour Saint-Sauveur-Québec (600km), qu’il a effectué en relais avec André Paquette, sous la barre des 24 heures. C’était en 1983. Il a touché aussi au triathlon, complétant un Ironman en Floride en 2005.
Une longue préparation
Après plusieurs mois de préparation physique, psychologique et financière, Laurent Homier s’est envolé pour le Népal le 28 août dernier, où il a rejoint une équipe d’alpinistes franco-québéco-belge, menée par le guide de haute montagne français Ludovic Challéat, de la compagnie Expés.com. Une fois sur place, Laurent formait toutefois une cordée autonome avec un alpiniste aguerri d’origine marseillaise, Stéphane Louboutin. En effet, au-delà du camp de base, lequel est situé à 4840 mètres d’altitude, les deux alpinistes n’utilisent les services ni des sherpas pour transporter le matériel, ni de guide. Leur quotidien depuis s’est composé de marches d’approches, de périodes d’acclimatation et de jours de repos, afin que leur corps s’adapte à ces conditions extrêmes.
Jour J
L’attente est à son comble pour Geneviève Gobeil. Encore quelques heures à attendre avant d’avoir la confirmation par téléphone satellite que Laurent a bien atteint le sommet. Et encore, si la connexion peut se faire, ce qui n’est pas toujours assuré dans ce coin du globe. «Le 30 septembre, toute l’équipe de Ludo a dormi au camp 1 (5600m.), confirme Mme Gobeil. Le 1er octobre, le groupe de 10 alpinistes a atteint le camp 2 (6300 m.), et hier, c’était au tour du camp 3 (6800 m.). Aujourd’hui (lundi le 3 octobre), le groupe devait atteindre le dernier camp, situé à 7400 mètres d’altitude.» Mais Laurent fera le reste de l’escalade sans Stéphane Louboutin, ce dernier s’étant désisté suite à des problèmes de santé. «Laurent devrait s’élancer vers trois heures mardi matin (17 heures la veille pour nous au Québec) car l’ascension prend entre 10 et 12 heures», explique Geneviève Gobeil.
Expérience mystique
Pour des adeptes de haute montagne comme Laurent Homier et Geneviève Gobeil, l’alpinisme est un mode de vie. «Nos fins de semaines, nos vacances, nos entraînements sont organisés en fonction de cette activité, explique Mme Gobeil. Et on prépare nos voyages un an à l’avance.» En haute montagne, le danger fait partie de l’expérience, et toute erreur peut être fatale. «Notre rapport au risque est très philosophique, poursuit Mme Gobeil. Avant d’être victime d’une embolie cérébrale ou pulmonaire, il y a quand même des signes avant-coureurs, et chaque alpiniste est responsable de ses décisions.» En effet, un décès peut en engendrer un autre en cas de tentative de porter secours à un alpiniste en détresse ou de rapatrier son corps. «Aller en haute montagne, ça nous amène ailleurs, raconte Geneviève Gobeil. Il y a un profond respect de la vie, on profite de chaque seconde. On se sent plus vivant que jamais, et on vit avec le danger.»
Cette exaltation n’entraîne-t-elle pas un blues des sommets? Après la folie des hauteurs, le retour sur le plancher des vaches ne se vit-il pas comme une chute? «Plus le voyage est long, plus les automatismes de notre vie quotidienne sont défaits, explique Mme Gobeil. Étant donné que les voyages d’alpinisme sont longs – de 3 à 12 semaines – c’est difficile de revenir dans la routine.» À l’écouter, on sent un profond respect et amour pour l’homme avec qui elle vit depuis 5 ans et demi: «Laurent est un homme foncièrement vivant, qui souhaite vivre et pas juste flotter.»
Dernière heure
Mardi matin le 4 octobre, Geneviève Gobeil attendait des nouvelles de Laurent. Elle demeurait persuadée qu’il avait atteint le sommet, les conditions météorologiques au sommet étant favorables. Cependant, les délais pour redescendre vers les camps et les aléas des communications par téléphone satellite expliqueraient ce silence radio.
En sanscrit, Manaslu signifie «montagne de l’esprit».