Une entreprise où l'on confectionne du tissu social!
Par Thomas Gallenne
Dans le cadre du Forum international de l’économie sociale (FIESS) qui réunira différents acteurs, promoteurs, chercheurs, organisations non gouvernementales, représentants gouvernementaux, organismes de soutien et organismes de mouvements sociaux provenant de plus de 50 pays, une délégation de participants au Forum, fait une visite cette semaine dans les Laurentides, de quatre entreprises d’économie sociale dont l’entreprise d’insertion Éclipse, située à Saint-Jérôme.
L’atelier Éclipse est une entreprise d’insertion dont la mission est d’accompagner durant 26 semaines des prestataires de l’aide sociale, en leur offrant une formation socioprofessionnelle, un suivi individuel et un accompagnement en recherche d’emploi.
Manon Mongrain y est entrée dès sa fondation en 1999, à titre d’intervenante. Aujourd’hui directrice de l’entreprise, elle nous fait la visite des lieux.
Éclipse ou l’atelier «passerelle»
Les locaux d’Éclipse abritent une boutique en front de rue sur Saint-Georges, en plein centre-ville de Saint-Jérôme. On y retrouve des vêtements fabriqués selon des valeurs éthiques et écologiques par des compagnies québécoises telles que Oöm ou Créations Encore. La boutique vend également des accessoires confectionnés directement par le personnel de l’atelier. Par exemple, des sacs, sacoches, pochettes, ou encore trousses sont fabriqués à partir de bannières (oriflammes) en vinyle.
Derrière le comptoir de la boutique, une porte mène directement à l’atelier à proprement parler, lequel compte plusieurs plateaux de travail: confection, coupe et contrôle de qualité.
«Les gens travaillent pendant six mois dans notre atelier, explique Mme Mongrain. Ils sont ensuite accompagnés durant deux ans par un conseiller en emploi. On mise avant tout sur l’éducation pour adulte, selon différents programmes tels qu’Apprendre à apprendre ou en offrant un suivi personnalisé avec chaque personne.» Selon la directrice, l’entreprise d’insertion accueille bon an mal an près d’une cinquantaine d’adultes, composée à 80% de femmes. Sur un suivi complet de deux ans et demi, c’est environ 120 personnes qui sont accompagnées dans cette démarche d’insertion professionnelle. Et le taux de suivi est très bon selon elle: «Cette année, on a perdu la trace de 15% des personnes qu’on suivait».
Une approche longitudinale
L’atelier Éclipse propose bien plus que des bases dans la confection. Le véritable objectif est de faire en sorte que les gens qui y entrent, deviennent des acteurs de leur existence.
«La première valeur ici c’est l’humain, avance Manon Mongrain avec conviction. On existe pour le capital social. Notre raison d’être, c’est de leur faire vivre une expérience positive, de les valoriser. On leur demande de s’investir dans leur développement, pour se réapproprier leur existence.» Cette démarche passe par trois volets: la gestion de soi en milieu de travail, la connaissance de soi et la détermination de choix professionnels, et enfin l’entrepreneurship et la mise en marché de soi.
Selon Mme Mongrain, l’atelier est un terrain de jeu exceptionnel pour la psychoéducation. «On n’aide pas seulement les personnes à s’intégrer professionnellement, mais socialement aussi, précise-t-elle. Tout l’aspect de la citoyenneté fait partie de la démarche.» Pour elle, notre société est à un tournant dans notre rapport face à l’économie sociale, favorisé par un courant de conscience sociale et environnementale.
Revoir le système?
Alors qu’elle étudiait à Ottawa il y a une quinzaine d’années, les bouleversements dans les modes de production et l’ouverture des marchés préoccupaient déjà Manon Mongrain. Bien que le secteur manufacturier demeure important au Québec, la dérèglementation dans les échanges commerciaux des produits manufacturés, la délocalisation de la production et la force du dollar canadien lui font craindre aujourd’hui une perte d’autonomie dans ce que nous consommons et produisons. «Je crois beaucoup à la production et à l’achat local, poursuit celle qui dit conscientiser ses propres enfants. Dans ma lecture sociale, il faut que ces mouvements soient portés par monsieur et madame Tout-le-Monde. Quand je regarde où s’en va l’économie mondiale, avec les pays émergents, la perte de nos métiers d’artisans, je me demande quelle sera notre place comme société dans 20 ans.»
Informations: Atelier de confection Éclipse, 321 rue Saint-Georges, Saint-Jérôme.
Tél: 450.436.7111