Chronique littéraire
Par Journal Accès
La cache, de Christophe Boltanski
Daniel Giguère, collaboration spéciale – À nouveau, nous voilà au cœur d’une tribu, cette fois celle des Boltanski. Une famille française, marquée par la peur et le déracinement, conséquence de cette terrible guerre, la deuxième du précédent siècle, qui a obligé Étienne, le grand-père juif de Christophe Boltanski, à vivre caché dans l’appartement familial parisien pour échapper à la déportation. Un entre-deux minuscule d’où il ne sort, le plus souvent, qu’à la nuit tombée pour rejoindre le lit conjugal, au point où son fils ne le reconnaîtra même pas à la fin de la guerre, et qui aura un mouvement de recul quand sa mère lui présentera cet inconnu en affirmant qu’il est son père.
Ce très beau roman-vrai, paru l’an dernier aux éditions Stock, et couronné du prix Femina (pour une fois bien mérité), n’est en rien le millionième bouquin sur la guerre. Plutôt la très délicate traversée d’un siècle d’une famille excentrique et névrosée, vivant recluse au cœur de Paris, dans un monde dont ils avaient appris à se méfier.
Christophe Boltanski choisit de nous présenter sa famille, avec ses secrets et ses mystères, au travers des chapitres dont chacun raconte une pièce particulière de la maison.
Nous traversons ainsi la cour intérieure, puis la cuisine jusqu’au grenier, sans oublier bien sûr « la cache ».
À peine une pièce, rappelle Boltanski. Probablement une anomalie architecturale qui devait son existence à un défaut de construction, et où le grand-père vivra isolé pendant vingt mois après avoir organisé sa prétendue évasion au milieu de la nuit, en faisant assez de bruit pour que tous les voisins entendent, et le croient parti.
Une maison donc, mais pas seulement. Des personnages aussi, et peut-être surtout la grand-mère, qui se fait appeler Mère-Grand, frappée de poliomyélite, et qui s’acharne à traiter son handicap par le mépris.
Véritable point d’ancrage d’une maisonnée mal adaptée au monde extérieur, elle voit tout, contrôle tout, ne se déplace qu’entourée des siens. « Mes enfants sont mes cannes », dit-elle volontiers.
On avance dans le roman en prenant, une à une, les clés que l’auteur laisse dans chacune des pages, et qui permettent de comprendre cette famille fascinante, qui a véritablement existé.
Premier roman pour Christophe Boltanski, mais assurément pas le dernier, du moins on le souhaite.
Urbain en terre laurentienne, Daniel Giguère est tombé dans les livres il y a plus de quarante ans, pour ne plus jamais en sortir.
Après quelques études en lettres, puis en communication, il a travaillé dans différents milieux, notamment les arts de la scène, puis les arts visuels.
La littérature reste malgré tout son port d’attache, parce que c’est encore ce qui repousse le mieux les frontières et permet les plus beaux voyages.