(Photo : Courtoisie)
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Une crise humanitaire du logement

Par Frédérique David

On parle de « crise du logement » depuis plusieurs années déjà. Toutefois, la situation s’est tellement dégradée qu’elle s’apparente maintenant à une « crise humanitaire ».

Difficile de croire, en effet, qu’on peut désormais voir, au Québec, des familles dans des logements temporaires et des personnes à la rue. Dans les Laurentides, certains motels dépannent régulièrement des gens qui ne parviennent pas à dénicher un logement abordable. Ils vivent à quatre ou cinq dans une chambre pendant des mois. Et il n’est plus rare de voir des personnes vivre dans leur auto !

Des motels-appartements

Soyons francs, on a un sérieux problème ! Et la région des Laurentides a particulièrement été frappée par la flambée post-pandémique des prix de l’immobilier qui a inéluctablement gonflé celui des loyers. À Saint-Sauveur, on trouve des 3 1/2 à 1800$ par mois ! Des promoteurs véreux sont devenus très habiles dans l’art de donner une apparence luxueuse à ces logements en carton-plâtre qui n’ont de véritable confort que leur nom prestigieux et n’empêchent nullement de subir le bruit des voisins !

Et que fait-on de la mère monoparentale qui travaille au salaire minimum ? On lui dit que notre belle région ne veut pas d’elle ? Qu’elle est réservée aux mieux nantis ? Que notre conscience sociale a disparu sous le spa de notre confort personnel ? Que nos valeurs humaines lui dictent de changer ses enfants d’école pour trouver un logement plus accessible ailleurs ? Que le vivre-ensemble au cœur de nos montagnes a pris des allures de clivage socio-économique ?

Des politiques peu inclusives

Le plus déplorable, dans cette crise « humanitaire » du logement, c’est de constater que rien, dans le ton et les propos tenus par nos politiciens, ne laisse espérer un changement. Quand le premier ministre lui-même voit dans la hausse des loyers un signe de « bien-être économique » de la province, il est clair que l’arrogance est à son comble et ne fait que donner raison aux propriétaires et promoteurs qui n’ont pour seul objectif que la hausse des profits.

Et comme si ce n’était pas assez, la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a ajouté une dose de manque de compassion en déclarant que si les locataires veulent pouvoir céder leur bail, ils « n’ont qu’à investir en immobilier » ! Et on parle ici des représentants d’un gouvernement qui n’a financé, depuis son élection en 2018, que 4 700 des 14 000 logements sociaux promis !

Une intervention nécessaire

Malheureusement, le fameux projet de loi 31, qui permettra aux propriétaires de refuser une cession de bail, ne fait qu’ajouter de l’huile sur le feu à une situation déjà éprouvée par la pandémie, le nombre trop important de logements transformés en hébergements à court terme de type Airbnb et la hausse des taux d’intérêt, entre autres.

Force est de constater que le gouvernement Legault met très peu de stratégies et d’efforts en place pour garder l’abordabilité, à tel point que les mairesses et maires de la province se sont mobilisés pour réclamer des actions concrètes. Au nombre de 15, le 28 juin dernier, ils signaient une lettre pour demander un registre des loyers et manifester leur inquiétude concernant le projet de loi 31. « Familles à la rue, ménages logés dans des hôtels, explosion de l’itinérance : la crise écrase plus de personnes chaque année et nous appauvrit collectivement », déclaraient-ils. Mentionnons au passage qu’on aurait aimé voir le nom d’un maire ou d’une mairesse des Laurentides parmi les 15 signataires.

Tout récemment, face aux statistiques inquiétantes révélant que 71 % des municipalités de plus de 10 000 habitants au Québec se trouvent sous la barre de 1 % de taux d’inoccupation, des chercheurs ont levé le drapeau rouge. Guillaume Hébert, chercheur à l’IRIS et co-signataire de l’étude « Un marché locatif en manque d’encadrement », déclarait dans plusieurs médias, la semaine dernière, qu’il est troublant de constater à quel point le gouvernement a de la difficulté à reconnaitre qu’il y a une crise du logement.

Le véritable problème vient du fait que la crise du logement doit cesser d’être abordée avec une perspective strictement économique et des indicateurs comme le PIB par habitant et notre richesse comparée à celle de l’Ontario. Il est temps pour le gouvernement Legault de se montrer aussi sensible envers les personnes qui ne parviennent plus à se loger décemment qu’il peut l’être quand survient un drame comme des inondations, des feux de forêt ou des tueries. Il en va de notre bien-être collectif.

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