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Un premier pas pour protéger notre patrimoine

Par Simon Cordeau

Quatre mordus de plein air se mobilisent autour d’un objectif : pérenniser les sentiers patrimoniaux des Laurentides, c’est-à-dire les protéger à perpétuité. Et ce, dans un horizon de 10 ans. Ils ont toute la communauté des Laurentides derrière eux.

À son apogée, le réseau initié par Herman Smith-Johannsen (alias Jackrabbit) comptait 1 600 km de sentiers de ski liant les hôtels, les gîtes et les villages de la région. Mais aujourd’hui, le réseau est morcelé par le développement immobilier, les routes, les changements climatiques et des droits de passages retirés.

« Actuellement, nous sommes à l’étape de la planification stratégique », explique Daniel Bergeron, membre du CA de Plein-Air Sainte-Adèle (PASA) et initiateur du projet. Il a à ses côtés André Goulet, de l’Institut des territoires (IDT) et qui dirige la première étape de l’initiative, ainsi que Kathy Poulin, ancienne mairesse de Val-David, et Marie-France Lajeunesse, directrice générale de la Société de plein air des Pays-d’en-Haut (SOPAIR).

« Il faut identifier la quinzaine de sentiers à pérenniser, ainsi que les « nœuds », soit les endroits qui seront plus complexes à pérenniser », explique M. Goulet. Une fois l’identification faite, les coûts estimés et la stratégie élaborée, un budget sera déposé en mai. Il sera accompagné d’une « boîte à outils » qui permettra de passer à l’action avec une approche urbanistique, écologique et culturelle.

Les clubs de plein air à travers les Laurentides, souvent composés de bénévoles, oeuvrent déjà à préserver ces sentiers patrimoniaux. Mais ce nouveau projet permettra d’élaborer puis d’implanter une approche régionale. « Présentement, c’est fait à coup de poignées de main.
On veut sortir de ça et aller vers quelque chose de perpétuel »,
illustre M. Goulet. « On veut professionnaliser l’approche », précise M. Bergeron.

Les membres du comité élargi lors de la réunion de démarrage.

Collaboration

« On ne peut pas faire un projet d’une telle ampleur à quatre personnes. Déjà, on a associé à la démarche les MRC des Pays-d’en-Haut, de La Rivière-du-Nord et des Laurentides, pour couvrir toutes les municipalités de Lac-Supérieur à Prévost, et de Saint-Adolphe-d’Howard à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, ce qui est le territoire recouvert par les sentiers patrimoniaux », indique M. Bergeron.

Les municipalités sont aussi impliquées, ainsi que tous les clubs de plein air actifs sur le territoire. Ces derniers apportent une expertise précieuse sur l’état des sentiers et les difficultés à les pérenniser, souligne M. Bergeron.

« Il y a aussi des légendes qui sont avec nous, et qui nous servent de mentors. » MM. Bergeron et Goulet nomment James Jackson et Chris Schlachter à Morin-Heights, Claude Chapdelaine de PASA, Pierre Gougoux à Sainte-Agathe, Jean-Luc Alary à Val-Morin, Jack Gauthier à Sainte-Marguerite, Gilles Parent, Brian Lambert de la Traversée des Laurentides… « Et j’en oublie! », s’arrête M. Bergeron. « C’est impressionnant de travailler avec ce monde-là », confie M. Goulet.

Un appel sera aussi fait aux gouvernements provincial et fédéral pour investir dans la protection de notre patrimoine culturel et identitaire, tout en préservant nos grands espaces naturels, indique M. Bergeron. Les députés approchés ont déjà manifesté leur soutien, se réjouit M. Goulet.

« Ça rassemble à peu près toute la communauté des Laurentides, au sens large. […] Il s’agit d’un geste structurant pour contrer les changements climatiques et stimuler l’économie récréotouristique et la relance post-pandémie », s’enthousiasme M. Bergeron.

Source : Extrait du « Sweet Caporal Skier’s Book » de 1940-1941. Photo : Daniel Bergeron

Patrimoine

M. Goulet rappelle que c’est ici, dans les Laurentides, qu’est né le ski de fond en Amérique du Nord. « La pratique du ski de fond est enregistrée comme patrimoine immatériel québécois. Mais l’assise qui permet son expression, elle, n’est pas protégée », déplore-t-il.

« On veut reproduire l’esprit patrimonial du ski, qui n’est pas seulement de skier dans un lieu donner, mais bien de skier d’un village à l’autre », précise M. Bergeron.

D’ailleurs, une publication Facebook sur le projet, faite par l’Institut des territoires le 21 janvier, a généré 117 partages, 1400 émoticônes et commentaires, 3000 clics et 31000 personnes atteintes, au moment de mettre sous presse. « On avait sous-estimé l’enthousiasme du public », admet M. Bergeron.

« C’est un projet social avant tout. Les gens s’identifient aux sentiers. On a quelque chose d’identitaire, d’emblématique entre les mains », souligne M. Goulet.

Stratégies possibles

Plusieurs approches sont envisagées pour pérenniser les sentiers. L’une d’elles serait de désigner les sentiers comme lieu historique. Une autre serait d’utiliser une protection récréo-écologique. Cela permettrait aux propriétaires fonciers de bénéficier des avantages financiers d’un don écologique, tout en autorisant le passage à perpétuité pour des activités non-motorisées, comme le ski et la randonnée, explique M. Goulet.

Une autre stratégie pourrait être d’amener les municipalités à donner une contribution aux propriétaires qui accueillent des sentiers, comme le fait déjà Sainte-Anne-des-Plaines avec les agriculteurs qui font de bonnes actions écologiques.

Redessiner puis fixer

Il ne sera sûrement pas possible de recréer exactement le même réseau avec les mêmes tracés qu’il y a un siècle, mais cela ne préoccupe pas M. Bergeron.

« On peut prendre la Maple Leaf en exemple. Au fil du temps, son tracé a dû être adapté, même à l’époque de Jackrabbit, lorsqu’il y avait un nouveau chemin, un développement, ou si un pont tombait. L’idée principale, c’est de relier les villages et les grands parcs par des sentiers. […] Le sentier et son nom demeurent, mais son tracé peut s’adapter à l’évolution du territoire », illustre-t-il.

L’objectif, pour cette quinzaine de sentiers qui seront identifiés, est tout de même de créer un nouveau tracé qui pourra être fixé et pérennisé, comme le P’tit Train du Nord. Ce tracé devra prendre en compte l’évolution future du territoire, comme l’impact des changements climatiques. « On veut une ossature principale qui perdurera dans le temps, et qu’on n’aura plus à adapter constamment », continue M. Bergeron. Ensuite, il sera plus facile de maintenir et de développer les sentiers secondaires, qui pourront se connecter au réseau et le rendre plus riche, année après année.

Les balises presque centenaires sont mangées par les arbres.

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5 Comments

  1. Sylvain Jean

    Bravo! Beau projet pour les générations de skieur à venir. C’est le fun de voir les affiches originales de la Maple Leaf, faites par un pionnier du ski de fond toujours actif.

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  2. Gaetan Allard

    Bravo, depuis quelques années je disais à mes amis randonneurs que ces sentiers devraient être reconnus comme Patrimoine Québécois et conserver pour l’avenir de l’histoire des Laurentides. 😋👍

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    • Nat

      Tellement d’accord

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    • Nat

      Tellement et d’accord avec vous et gardons la loken et la tam une richesse inestimable à SADL merci aux propriétaires qui le permettent

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